Claire Chatelet (sprite)

Comodérateur de NaHaiWriMo en français, février 2023

 

1. Comment as-tu débuté dans le haïku ?

Pendant mon éducation en général j’avais rencontré quelques exemples de haïku, principalement le 5-7-5, mais je n’avais jamais pensé en écrire jusqu’à ce je m’inscrive à un cours d’écriture créative pour adultes. Je voulais écrire sur mon expérience aux premières lignes de la pandémie du VIH/SIDA depuis son début, principalement pour essayer d’exorciser ce à quoi certains d’entre nous avions dû participer et des choses dont nous avions dû être témoins. J’étais en grande partie avec des jeunes venant tout droit du secondaire écrivant sur leur premier chagrin d’amour, le divorce des parents, leur première fois à voyager seul, ainsi de suite. Comme nous partagions nos écrits avec le groupe d’étudiants chaque semaine, je pensais que ma prose sur un sujet aussi lourd que le SIDA les couperait dans leurs élans et j’ai recouru à condenser mes expériences dans des fragments en 5-7-5 que je pensais être des haïku. Le prof les a trouvé intéressants et voulait que je les présente au groupe. C’était en 2001. Je me suis branchée sur internet, j’ai tapé “haiku”, je suis tombée sur le site web de Ray Rassmussen et l’ai contacté pour obtenir la permission d’utiliser certaines de ses photos pour mon projet. Il m’a répondu et m’a indiqué un cours en ligne prêt à démarrer avec an’ya du World Haïku Club. Je m’y suis enregistré, j’ai completé le cours puis ai rejoint différents groupes Yahoo (deuxième incarnation du Shiki Salon inclus), et très vite j’ai découvert le renku, gardant le haïku comme activité parallèle. Ce dont je me souviens le plus clairement de cette période magique c’est qu’essayer de condenser mes pensées dans un format 5-7-5 avait un résultat quasiment thérapeutique, presque méditatif, et a contribué à plus de concentration. Je ressentais presque un changement physique dans mon cerveau. Pendant une décennie, j’ai écrit uniquement en anglais jusqu’à ce que le besoin de retourner à ma langue maternelle, le français, se fasse sentir. Je me dois encore d’écrire sur le VIH/AIDS même si certains de mes haïbun ont abordé le sujet.


2. Dis-nous en plus sur toi.

J’ai grandi dans un tout petit village (250 habitants) dans la France profonde (Béréziat) dans une ferme qui éventuellement a dû se spécialiser en poulet fermier, mais nous avions de tout depuis des vaches, moutons, lapins à cochons et canards – sans compter les dindes et pintades pour les ventes de Noël. Très belle enfance ! Maintenant je suis une infirmière enfin à la retraite et j’habite à Londres en Angleterre. Je n’ai aucune idée où je vais passer mes dernières années vu que mes plans pour déménager ailleurs ont été mis en berne par le Covid et Brexit. J’ai fait des pauses dans l’écriture du renku et haïku, spécialement dans le sillage de la guerre d’Irak qui a tellement divisé de nombreux haïjin mais jamais trop longtemps parce qu’une fois qu’on a attrapé le virus du haïku il est très difficile de s’en sevrer pour de bon. Le retour à ma langue maternelle a été très bénéfique sur plusieurs plans, y compris les rencontres en live avec d’autres haïjin quand je passe du temps en France, mais j’aspire à un équilibre entre les deux langues et j’y travaille. Je dois également faire l’équilibre avec d’autres activités comme poterie, linographie, bénévolat dans une Réserve Naturelle, tricot, couture, visionner films et documentaires – tout ça trouve son chemin dans mon festival personnel du haïku mais je ne cherche pas non plus à tout mettre en haïku.


3. Qu’est-ce que le NaHaiWriMo représente pour toi ?

J’ai participé à quelques-uns à ses tout débuts où j’ai en fait rencontré Vincent Hoarau qui est devenu le troisième ‘prompter’ pour NaHaiWriMo en français (Jessica Tremblay a débuté avec en 2011), mais une fois de retour dans ma langue maternelle, je suis devenue moins présente sur les groupes anglophones. J’étais également un peu déconcertée pendant un certain temps pour écrire selon des thèmes donnés tant les ‘desk ku’ (haïku de bureau) étaient considérés comme absolument interdits quand je débutais. [Ecrire selon un indice donné cependant, encourage ceux qui écrivent à piocher dans leur mémoire, donc ce n’est pas inauthentique pour en tirer des haïku]. Vincent a créé un des premiers (sinon le premier) groupe de haïku sur Facebook, Un haïku par jour. Alors que les groupes Yahoo disparaissaient un par un, j’ai rejoint (un peu à reculons) la communauté haiku/renku sur Facebook. Maintenant j’aime beaucoup participer au NaHaïWriMo chaque février et j’ai souvent l’intention de participer sur la page américaine d’autres mois pour rejoindre certain.e.s de mes ami.e.s du début qui y sont actifs (telle Linda Papanicolaou). Mais la vie est faite de choix et naviguer entre deux cultures et deux langues absorbe beaucoup de mon énergie pour lui rendre justice.


4. Quel conseil donneriez-vous aux débutants dans la pratique du haïku?

Essayez. Lisez les autres. Essayez encore. Lire un peu plus. Révisez. Jouez avec l’ordre des mots. Jamais oublier de s’amuser avec. Recherchez et acceptez la critique mais ne perdez jamais de vue ce que vous voulez dire et exprimer et préservez toujours votre voix intérieure.


5. Pouvez-vous partager avec nous trois de vos haïkus favoris ou votre meilleur haïku?

 

des cloportes s’éparpillent—

la main d’un jardinier

réarrange la rocaille

 

Un de mes premiers haïku acclamé dans le cours du World Haïku Club.

 

deuil prolongé—

le rouge indécent

des géraniums

 

Celui-ci fut hautement critiqué il y a 20 ans parce que j’y nommais une émotion, mais je l’ai gardé parce que le moment qui m’avait amené à l’écrire était très fort ; maintenant à chaque fois que je lui fait prendre l’air, il reçoit des pouces en l’air et des commentaires positifs and il fait partie de l’anthologie personnelle d’un haïjin.

 

plage de galets

la magnifique insignifiance

de nos vies

 

Ce dernier a été publié dans sa version française dans une anthologie sur la Bretagne et la mer.

 

NaHaiWriMo en français daily writing coprompter for February 2023

 

1. How did you get started with haiku?

I had come across a couple of examples of haiku through general education, mainly 5-7-5, but had never thought of writing any until I took a late-adult education class on creative writing. I wanted to write about my experience of working at the forefront of the HIV/AIDS pandemic from its onset, mainly to exorcise what some of us had been made to witness and partake in. I was mainly with young school-leavers writing about their first heartbreaks, parents’ divorce, first time travelling away alone, and so on. As we shared our writings with the group of students weekly, I felt that my prose about such a heavy subject as AIDS would dampen their spirit and I resorted to condensing my experiences into 5-7-5 snippets of what I thought was haiku. The teacher took a liking to them and wanted me to present them to the group. It was 2001. I went online, typed “haiku,” came across Ray Rassmussen’s website, and contacted him to ask permission to use some of his photographs for my project. He responded and told me about an online class about to take place with an’ya from the World Haiku Club. I registered, got on with the course, and then joined various Yahoo groups (including the second incarnation of the Shiki Salon), and soon find my way to renku, keeping haiku as a parallel activity. What I remember best from this magical time was that trying to condense my thoughts into a 5-7-5 format felt wonderfully therapeutic, almost meditative, and certainly improved my concentration. I could feel a physical shift in my brain almost. For a decade I was writing solely in English until I felt the need to go back to my native tongue, which is French. I’m still to write about the HIV/AIDS pandemic, though a few of my haibun have touched on the subject.


2. Tell us more about yourself.

I grew up in a tiny village (250 inhabitants) deep in rural France (Béréziat) on a farm that was eventually forced to specialise in free-range chickens, but we had everything from cows, sheep, rabbits, pigs, and ducks—and turkeys and guinea fowls for selling at Xmas. Great childhood! I’m now a finally retired nurse and live in London, England with no idea of where I’ll end up for the last years of my life, all relocation plans having been dampened by Covid and Brexit. I’ve taken a few breaks from writing renku and haiku, especially in the wake of the Iraq war that proved so divisive for so many haijin but never for too long as I guess once you catch the haiku bug it’s difficult to wean oneself off it successfully. Going back to my mother tongue was beneficial on many levels, including the opportunity to meet many haijin in the flesh during my visits ‘over there’ but I yearn for a balance between the two languages and am working towards that. I also have to balance a lot of other interests: pottery, printing, volunteering in a nature reserve, knitting, darning, and watching documentaries and films—all of which feed my own haiku fest but I’m not seeking to translate all into haiku either.


3. What does NaHaiWriMo mean to you?

I participated in a few at its very beginning where I actually met Vincent Hoarau who was the third prompter for NaHaiWriMo en français (it was started in 2011 by Jessica Tremblay), but once I became active in my mother tongue, I became less present on the anglophone lists. I was also confused for a while about using prompts to write haiku because “desk ku” had been such a no-no when I was a new on the path. [Writing haiku in response to prompts, however, encourages writers to tap into their memories, so not an inauthentic way to write haiku.] Vincent created one of the first (if not the first) French Facebook haiku groups, entitled Un haiku par jour (one haiku per day), and as Yahoo groups became defunct I (reluctantly at first) reconnected with the haiku/renku community through Facebook. Now, I love participating in NaHaiWriMo every February and often intend to participate more often in other months to join a few of my old friends who are active there (such as Linda Papanicolaou). But life is full of choices, and navigating between two main cultures and languages absorbs a lot of my energy to do it justice.


4. What one piece of advice would you offer to those who are new to writing haiku?

Try it. Read others. Try again. Read some more. Revise. Play with the order of words. Never forget to play with it! Seek and accept criticism but never lose sight of what you want to say and express and hold on to your inner voice.


5. Please share three of your favourite or best haiku.

 

woodlice scatter—

a gardener’s hand

rearranges rocks

 

This was one of my first and highly praised poems in the World Haiku Club course.

 

lingering grief—

the indecent red

of geraniums

 

This was highly criticised 20 years ago for naming an emotion, but I held onto it because the moment that led to its writing had been so strong; nowadays whenever I air it, it gets lots of thumbs up and positive comments and has found its way in someone’s personal anthology.

 

pebble beach—

the magnificent insignificance

of our lives

 

This was published in its French version in an anthology about Bretagne and the sea.